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aucun dans l’expérience ni dans la raison, et où surtout je vois une sorte de promesse ; le tyran peut croire qu’on le reconnaîtra s’il triomphe ; et ainsi la révolte fortifie le pouvoir du tyran si elle échoue. Mais il faut voir au fond de cette naïve croyance d’après laquelle un puissant juge donnerait la victoire à celui qui a raison. Le droit est découvert par arguments et preuves, non autrement, par la pensée, non autrement. Et la vraie résistance ici est donc de parler et d’écrire selon sa conscience, malgré l’exil, malgré la prison et jusqu’à la mort. On ne peut s’étonner de ce triomphe de l’esprit chrétien par toute la terre, quand on voit que les martyrs savaient si bien mener cette espèce de guerre de l’esprit, où le vainqueur est celui qui s’interdit de frapper. Ce fut le premier appel à l’esprit et la première guerre de ce genre que l’histoire ait conservée. Hommes de peu de foi, dirai-je à mon tour, puisque cette expérience même ne fait pas que vous jetiez vos armes. Mais je dis aussi : Hommes de peu de courage ; car je vous vois trop faibles dans la vraie résistance, et j’aperçois plus d’une espèce de peur dans ces prises d’armes.

CHAPITRE VIII

DE LA SAGESSE

La sagesse est la vertu propre de l’entendement ; mais il ne faut pas entendre d’après cela qu’elle est le nom commun de toutes les autres vertus. Quand les vertus ne sont que par sagesse, il y manque souvent l’audace et le feu inventeur, car le mal le plus contraire