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même de chaque partie. Il faut dire aussi qu’une excitation en un point ne se transmet pas aussitôt partout, ni aussi forte ; cela dépend du trajet nerveux, et vraisemblablement du travail déjà fourni immédiatement auparavant par les éléments transmetteurs. Cela posé et retenu, il est naturel de supposer que toute excitation s’irradie en tous sens par mille chemins, de façon que l’animal agit toujours en se contractant tout, comme on voit assez si l’on remarque que le premier éveil met d’abord en mouvement les parties les plus légères, et les plus libres, oreilles ou queue, comme Darwin l’a montré. Et ces premiers mouvements sont les signes de ceux qui suivront. Il est clair qu’un animal excité ne fera pas pour cela n’importe quel mouvement, par exemple qu’un cheval ne se mettra pas à ruer s’il ne peut baisser la tête. Disons que l’explosion se fera jour selon la ligne de moindre résistance, d’ailleurs fort difficile à déterminer. Remarquez seulement qu’en posant que les actions d’un animal dépendent de sa forme, de son attitude et des objets résistants qui l’entourent, on circonscrit déjà le problème. L’huître ne fait guère qu’un mouvement ; l’écureuil, qui est comme une huître composée, en fait beaucoup plus. Le fourmi-lion, qui est entre deux, ne fait guère au fond de son trou qu’un mouvement brusque de la tête, ce qui lui donne déjà l’apparence d’un rusé chasseur ; c’est que la pesanteur travaille pour lui.

La structure du corps humain ne diffère pas beaucoup de celle du singe ou de l’écureuil ; et les réactions de l’instinct se produisent en lui selon sa forme, sa puissance, son attitude, et aussi selon les obstacles. Mais l’homme pense ; j’entends qu’il perçoit son corps et les mouvements de son corps, même les moindres, plus ou moins nettement, sans compter les plaisirs et les douleurs qui résultent de ces mouvements mêmes, ou