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et charité ? Comment, sinon par l’admiration et imitation des meilleurs types humains ? L’enfant va droit là, fort de son ignorance ; voilà le mouvement humain. La faute de jugement est donc de ne pas croire à l’humanité. Le plus beau mythe est celui d’Hercule ; voilà le modèle que l’homme s’est donné ; et ce compagnon rassure dans le sens plein du mot. Je dis donc qu’il faut de la grandeur d’âme et même de la hauteur pour bien juger. Non sans sévérité ; j’ai remarqué que qui méprise beaucoup pardonne beaucoup ; mais inversement qui estime beaucoup exige beaucoup ; négligeant toutefois les choses de peu, et, pour les fautes d’importance, y cherchant toujours la vertu cachée et l’erreur explicable, ce qui est une manière d’être indulgent sans la moindre complaisance. Je ne parle ici que du jugement nu ; je laisse les punitions, qui sont d’un autre ordre. Je puis appeler sévère en un sens l’homme qui condamne l’homme à rester ignorant, menteur et brutal par la nécessité de sa nature ; mais beaucoup appelleront sévère en un tout autre sens, celui qui frappe toujours au sommet de l’âme et qui attend.

CHAPITRE III

DE L’INSTINCT

L’instinct des animaux ne propose qu’un problème de physique, à la vérité fort difficile dans le détail, mais assez simple quant aux principes. Il faut seulement considérer l’élément moteur qui est le muscle, dans lequel, lorsqu’il est nourri, il se fait comme une explo-