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L’anxiété est à la fois emportement et irritation, mais sans mouvement, par petits éveils contrariés, ce qui réagit sur la respiration et sur le cœur, qui, déréglés à leur tour, continuent d’exciter toutes les parties motrices, d’où un tremblement insupportable. Il faut dire aussi là-dessus, que, par l’absence d’un mouvement décidé, les contractions musculaires ne remédient pas à la constriction des petits vaisseaux par un vigoureux massage, ce qui renvoie le sang dans les parties molles, intestins, estomac et cerveau ; et ce dernier effet est remarquable en ce qu’il entretient et réveille une activité percevante sans proportion avec les objets, ce qui nous dispose à attendre quelque chose de terrible sans savoir quoi. Mais ici on aperçoit bien comment l’humeur est relevée et composée par la pensée. La contracture est un régime plus violent, où tous les muscles se tendent selon leur force, pétrifiant tout le corps, ce qui va à suspendre la vie, comme on voit dans l’état de catalepsie. Et cela n’est pas commun ; mais sans doute il existe des régimes partiels de ce genre-là, des raideurs et des pétrifications d’épaules, de bras, de jambes, même pendant l’action, et qui sont causes de maladresse et de gaucherie. Ici encore on voit que le jugement s’empare de ces mouvements d’humeur, et en fait pensée et condamnation, dès que l’on prononce : « Je suis gauche, je suis maladroit. » Dont nous délivreraient les mouvements de politesse, qui sont toujours gymnastiques, si nous nous avisions seulement de les faire ; et le sourire est l’arme de choix contre tout régime qui s’installe. Mais ces choses sont peu connues ; la morale ne sourit point.

NOTE

Les quatre tempéraments offrent l’exemple d’une idée encore abstraite, mais juste dans son dessin, et qui peut s’enrichir