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un cube. Ceux qui craignent de faire sortir une science si étendue de si petits commencements n’ont pas bien saisi l’œuvre de l’entendement dans la perception des objets. Il n’y a pas plus de confusion dans le ciel perçu par un petit pâtre que dans ce cube fait de cubes perçu par un enfant qui n’a pas encore fait trois et un avec deux fois deux.

Il se fait naturellement une vigoureuse réaction des algébristes contre ces vues trop simples, et un effort pour démontrer ces premières propositions sans aucune représentation d’objet. Ce qui n’a de succès que parce qu’on oublie que les chiffres, les lettres et les signes sont aussi des objets distribués, rangés et transposés par la plume. Et toute la puissance de l’algèbre vient justement de ce qu’elle remplace la considération des choses mêmes par le maniement de ces symboles, dont la disposition finale, traduite en langage commun, donne enfin une solution bien plus pénible et souvent impossible par une méthode plus naturelle. Un problème scolaire d’arithmétique, traité par l’algèbre, donnera assez l’idée de cette machine à calculer, qui réduit le travail de l’entendement à reconnaître la disposition des symboles sur le papier, et à ne la point changer témérairement, par exemple à changer le signe, s’il transporte un terme d’un membre à l’autre.

J’invite ici le lecteur à retrouver ces rapports si simples, et gros de tant de combinaisons, dans le développement de la formule bien connue dite binôme de Newton. Il y verra, notamment, comment l’on calcule les combinaisons et permutations toujours par des groupements simples, qui font voir que, par rapport aux symboles juxtaposées a b, il y a trois places pour le symbole c et seulement trois. Mais surtout, quand il aura formé un certain nombre des termes de la somme a + b multipliée plusieurs fois par elle-même,