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tion de la géométrie à l’expérience. On oublie en cela que la géométrie et même l’algèbre, comme aussi l’arithmétique, et comme toutes les sciences, sont des sciences de la nature. Mais pour la mécanique, c’est encore plus évident. C’est pourquoi il faut montrer ici encore cette même méthode de reconstruction en partant des simples. Je considérerai des exemples connus, mais bien frappants. Je lance une pierre en l’air verticalement ; elle retombe selon la même ligne ; il ne s’agit que de décrire correctement ce qui s’est passé. Et voici ce que c’est, selon la pure mécanique ; je négligerai seulement la résistance de l’air, afin que mon exemple ne soit pas surchargé. Premièrement j’ai communiqué à la pierre un mouvement vers le haut d’une certaine vitesse, soit vingt mètres par seconde. Par l’inertie, qui est négation de force simplement, cette pierre ira tout droit sans fin, toujours avec cette vitesse. Bon. Mais tous les corps tombent ; ce mouvement de la pierre n’empêche point qu’elle tombe, ainsi que tout corps libre au voisinage de la terre. Elle tombe, cela veut dire qu’elle parcourt verticalement d’un mouvement accéléré près de cinq mètres dans la première seconde ; ainsi en même temps elle a monté de vingt mètres et elle est descendue de cinq ; la voilà à quinze mètres en l’air. À la fin de la deuxième seconde, toujours courant, elle serait à trente-cinq mètres, car elle a toujours sa vitesse de vingt mètres ; oui, mais en même temps elle a tombé, pendant cette deuxième seconde, de quinze mètres environ. Au total, la voilà à vingt mètres en l’air seulement. Suivez cette analyse, vous verrez la pierre redescendre et rencontrer enfin le sol, ce qui met fin à son mouvement. J’ai analysé ce cas si simple avec rigueur et paradoxalement, comme il le faudrait absolument pour d’autres exemples, afin de faire apparaître le principe de la composition des mou-