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celle des Anglais, qui préparent tout droit aux débats politiques ou notre Conférence des Avocats. Je ne crois pas qu’on y apprenne l’éloquence, mais on y apprend quelque chose de bien plus important, le respect du semblable, la retenue dans la victoire, toutes choses qui manquent dans les foires à discours. Quiconque réfute entre dans la pensée de celui qu’il réfute, et se met d’accord avec lui. N’est-ce pas merveilleux ? L’homme a donc le pouvoir de comprendre même qu’on ne le comprenne pas. Toute l’antiquité s’est formée par des discours pleins de politesse, comme on voit dans le de Natura Deorum de Cicéron. En Lucrèce, encore plus de hauteur par la puissance de la poésie qui, en effet, use encore plus noblement du langage et conserve plus étroite l’amitié humaine par le nombre et le pas des vers, en sorte que réfuter ainsi, c’est honorer.

Ici se termine l’introduction qui voulait élever le langage à sa dignité, comme éminemment le moyen de penser avec les autres et avec soi. Il faut souhaiter que la conversation retrouve ses lois et ses cérémonies, qu’on peut dire sacrées sans exagérer. Il s’agit à présent d’analyser ces ressorts.

CHAPITRE IV

DE LA LOGIQUE OU RHÉTORIQUE

Il y a une rhétorique appliquée qui examine si une proposition du langage convient ou non à l’objet ; cette rhétorique accompagne toute science. Par exemple, pour contrôler cette proposition, tout juste est heureux, il s’agit d’examiner les mots et les objets. La rhétorique pure, qu’on appelle communément logique, s’occupe seulement de l’équivalence des propositions, ou, si l’on veut, de l’identité du sens sous la diversité des paroles. On peut dire encore qu’elle examine comment