Page:Alain - Éléments de philosophie, 1941.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pure, que l’on devrait appeler rhétorique, et pourquoi la mathématique peut beaucoup plus. « La colombe, dit Kant, pourrait croire qu’elle volerait encore mieux dans le vide. » Tout à fait ainsi le mathématicien, ne pensant plus assez à ce qui reste encore d’objet devant ses yeux et sous ses mains, pourrait bien croire qu’il penserait plus avant encore avec des mots seulement. D’où sont nés ces jeux dialectiques, tour à tour trop estimés et trop méprisés, que l’on appelle théologie, psychologie, magie, gros de vérités, mais vêtus de passions, de façon que toute leur vertu persuasive est attribuée trop souvent à un syllogisme bien fait, ou bien à une réfutation sans réplique.

C’est Aristote, celui des philosophes peut-être qui argumente le moins, c’est Aristote, élève de Platon, qui eut l’idée de mettre en doctrine l’art de discuter, si puissant sans doute sur sa jeunesse. Et des siècles de subtilité n’ont pas ajouté grand’chose à son prodigieux système de tous les arguments possibles mis en forme. Et si on le lisait sans préjugé, on n’y verrait plus cette logique ou science des paroles et en même temps science des raisons, mais plutôt la vraie rhétorique qui traite de ce que le langage tout seul doit à l’entendement. Mais qu’on la nomme comme on voudra. C’est donc comme une grammaire générale qu’il faut maintenant examiner sur quelques exemples renvoyant le lecteur, pour les détails et le système, à n’importe quel traité de logique. Dès que l’on connaît leur secret, ils sont tous bons.

NOTE

Il ne manque à ce chapitre qu’un peu plus d’ampleur, afin de découvrir, dans le moindre entretien, toute l’humanité. C’est qu’on n’estime pas assez les écoles d’éloquence, comme