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à quoi nous arrivons, qui est bien l’humanité et nullement l’animalité. Le langage est un très grand attribut de l’homme. C’est par le langage qu’un Descartes se sait esprit irréfutablement, comme on voit bien clairement dans son Je Pense, cette victoire parlée. On devrait religieusement parcourir toute la variété des raisonnements possibles et estimer très haut le mythe de la Genèse, où l’on voit que Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut. Ce qui nous avertit de ceci que la vraie lumière suppose beaucoup de discours, et que l’enseignement est chose divine, qui crée par le Verbe. Vous êtes conduit tout naturellement au poème de Saint Jean. Au commencement le Verbe flottait sur les eaux. Puis le Verbe s’est fait chair. Ce double mouvement de s’élever et de s’incarner est toute la vie de l’esprit.

CHAPITRE PREMIER

DU LANGAGE

Avant d’examiner comment la connaissance peut s’étendre et s’assurer par le discours seulement, il faut traiter du langage. Dans tout ce qui nous reste à décrire, d’inventions abstraites, de fantaisies, de passions, d’institutions, le langage est roi. Il s’agit, dans une exposition resserrée, d’étaler dans toute son étendue ce beau domaine qui s’étend des profondeurs de la musique aux sommets de l’algèbre. Mais admirez d’abord comment les jeux du langage prennent l’esprit dans leurs pièges. Il faut, disent les auteurs, s’entendre