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ment. On voit paraître la cause et c’est ainsi qu’en remuant les principes, en passant de l’un à l’autre, on est ramené à la notion d’objet ou à l’idée d’univers. Ce qui est juste le contraire de l’âme, principe interne de changement et caractéristique du vivant, qui, lui, n’est pas seulement poussé par ce qui l’entoure, mais réagit à sa manière. Toutefois, le biologiste clairvoyant ne manquera pas de chercher dans les prétendues actions d’un vivant, les effets du milieu, ce qui revient à appliquer tous les principes dont le vrai nom serait : Principes du matérialisme universel. Ces principes sont donc des règles de méditation par lesquelles nous interrogeons l’univers, en dissipant l’apparence du vivant, qui séduit toujours. En somme, l’homme ne fait qu’exorciser contre le vieux principe de Thalès : « Tout est plein de dieux ». Cela revient à douter des oracles contre une tradition si ancienne et si vivace. L’homme doit conquérir, d’instant en instant, son propre entendement, ce qui consiste à se dire « ce que je sais, je le dois d’abord à mon esprit ».

CHAPITRE XVI

DU MÉCANISME

Le mécanisme est cette doctrine de l’univers d’après laquelle tous les changements sont des mouvements. Par exemple la pression des gaz s’explique par un mouvement vif de leurs particules. La lumière est une vibration. Les corps solides sont des systèmes d’atomes gravitants. Dans cette hypothèse du mécanisme universel, il faut aussi comprendre les atomes et les forces et l’inertie, car tout cela se tient. Que l’entendement impose ici sa propre loi à toutes nos représentations, cela ne fait pas doute. Il faut comprendre ainsi, ou ne pas comprendre du tout.