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est mieux un mouvement, et un mouvement réel, parce que ses rapports avec tout le reste sont plus déterminés. C’est d’après cette méthode que l’entendement a passé du système de Ptolémée aux systèmes modernes, reliant de mieux en mieux les apparences, et mettant de l’ordre en cette nature des astrologues, sans y rien changer, en la séparant seulement de nos passions.

Ceux qui admirent que la nature se prête si bien aux vêtements du géomètre, méconnaissent deux choses. D’abord ils méconnaissent la souplesse et toutes les ressources de l’instrument mathématique, qui, par complication progressive, dessinera toujours mieux les contours, saisira toujours mieux les rapports, orientera et mesurera mieux les forces, sans gauchir la ligne droite pour cela. C’est ce que n’ont pas bien saisi ceux qui remettent toujours les principes en question, comme l’inertie ou mouvement uniforme, et autres hypothèses solides. Ce qui est aussi sot que si l’on voulait infléchir les trois axes pour inscrire un mouvement courbé, ou bien tordre l’équateur pour un bolide. Mais, comme disait bien Platon, c’est le droit qui est juge du courbe, et le fini et achevé qui est juge de l’indéfini. Et ce sont les vieux nombres entiers qui portent le calcul différentiel. Par ces remarques, on voudra bien comprendre en quel sens toute loi est a priori, quoique toute connaissance soit d’expérience. Mais, ici encore, n’oubliez pas de joindre fortement l’idée et la chose. La seconde méprise consiste à croire que la nature, hors des formes mathématiques, soit réellement quelque chose, et puisse dire oui ou non. Cette erreur vient de ce que nous appelons nature ce qui est une science à demi faite déjà, déjà repoussée de nous à distance convenable. Car la perception du mouvement des étoiles, d’Orient en Occident, est une supposition déjà, et très raison-