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soit habitée. Développez cela, si cela vous plaît ; mais il vaut mieux se reporter à la rigueur des formules de Comte, et dire que la supposition d’habitants dans Mars, n’est pas mieux connue qu’une autre et qu’ainsi il y aura de grandes recherches et téméraires pour éclaircir ce simple énoncé. Il se peut que d’aventure la science découvre des vérités par ce moyen. Au fond s’il y a des habitants dans Mars ce n’est pas une vérité ; non, mais il y aura une vérité de cette physiologie quand on recevra des perceptions suffisantes. Nous entrons ici dans l’obscurité que l’idée de vérité porte avec elle. On peut se préparer utilement à la philosophie sans se fatiguer prématurément à de telles subtilités. Un autre exemple pour vous redresser ; celui qui suppose dans une montre une petite bête enfermée ne fait point du tout une hypothèse ; il va même contre la loi, car il prend à la biologie une hypothèse de physique ; et il substitue au problème posé un problème bien plus difficile, c’est celui de la petite bête, de la vie, de l’âme, etc. La vraie marche est au contraire de faire en biologie l’hypothèse du pur mécanisme, c’est-à-dire que le vivant, vase clos, doit se comporter comme tout vase clos selon la chimie et la physique, sans autre principe du mouvement qu’une conservation d’énergie ou une dissipation de chaleur. On irait sans fin dans ce développement, et je juge que le disciple peut bien aller tout seul.

CHAPITRE X

ÉLOGE DE DESCARTES

Ce qui nous manque toujours pour comprendre Descartes, c’est l’intelligence. Clair souvent d’apparence, de façon qu’aisément on le suit, ou bien on le réfute. Presque impénétrable partout. Nul homme peut-être n’a mieux conçu pour lui-même ; mais trop solitaire