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Venons au concept car c’est l’objet de ce chapitre. On nomme concept un genre qui n’est que genre ; c’est donc une construction abstraite qui prétend nous aider à connaître le réel. La mathématique entend bien nous apprendre à connaître les formes réelles par le chemin des formes abstraites ; mais le disciple résiste souvent là, ne voyant à quoi mènent des formes comme l’ellipse et la parabole alors que l’on sait que l’ellipse a seule fourni la forme remplaçante du cercle insuffisant. Ceux qui ne saisissent pas ce rapport que les stoïciens nommaient bien saisissant (leur fantaisie cataleptique) diront que l’ellipse n’est qu’un concept, et c’est d’ailleurs vrai, car aucun astre ne décrit une ellipse ; aucun astre ne ferme même sa courbe. L’astronome est dans l’abstrait et saisit le concret par l’abstrait.

Dans les problèmes de la morale, il arrive souvent que le disciple croit apercevoir que la justice n’est qu’un concept, et l’égalité de même ; et Aristote a bien vu que Socrate, par ses investigations de morale, allait à découvrir les genres éternels dont Platon a fait sa gloire. Les impies qui nient Dieu ne font que soutenir que Dieu n’est après tout qu’un concept ; et combien pensent que la démocratie de Périclès n’est, après tout, qu’un concept. On saisira très bien dans cet exemple la source des hérésies, et le sens réel de l’athéisme. Vous remarquez que ce sujet nous entraîne en toutes régions et dessine même toute la métaphysique. Y a-t-il, demandaient les docteurs scolastiques, y a-t-il des concepts ? Ou bien ne sont-ce pas plutôt des conceptions formées par l’homme selon son désir, ce qui d’ailleurs le juge (car c’est Dieu qui est juge). En ce sens l’athéisme serait le crime des crimes (la négation du crime, comme Hegel aime à dire).

Disons pour conclure (provisoirement) que la forma-