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CHAPITRE VII

DE L’ANALOGIE ET DE LA RESSEMBLANCE

Un cheval de bronze ressemble à un cheval, et est analogue à un homme de bronze. Dans cet exemple, on comprend que le mot analogie a conservé son sens ancien ; il désigne non pas une communauté de caractères qui disposeraient le corps de la même manière, soit pour le sentir, soit pour l’agir, mais bien une identité de rapports, qui parle à l’entendement seul. C’est pourquoi les analogies les plus parfaites sont aussi les plus cachées. Il y a analogie entre la self-induction et la masse, sans aucune ressemblance ; analogie entre une route en pente et une vis, presque sans ressemblance ; entre la vis et le moulin à vent, entre l’engrenage et le levier, entre courant électrique et canalisation hydraulique ; mais qu’on se garde d’inventer ici quelque ressemblance, de peur de substituer l’imagination à l’entendement. Analogie aussi entre chute et gravitation ; analogie entre oxydation, combustion, respiration. Analogie encore entre une réaction exothermique et la chute d’un poids, entre un corps chimiquement inerte et un poids par terre. Analogie entre un aimant et un solénoïde, entre les ondes hertziennes et la lumière. Analogie entre les sections coniques et l’équation générale du second degré, entre une tangente et une dérivée, entre une parabole et la suite des carrés. Cette énumération d’exemples en désordre est pour faire apercevoir l’étendue et les difficultés de la question, et aussi pour écarter l’idée d’un système des analogies, impossible à présenter sans d’immenses développements.

En réfléchissant sur ces exemples on peut comprendre