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sophes d’occasion. On peut parler, on peut diviser, et faire une sorte d’analyse de l’âme. J’entends que c’est une fausse analyse et que j’ai l’ambition d’écrire, si l’âge me le permet, des Exercices d’Analyse qui ressembleront beaucoup à ce livre-ci ; à ce point que je pensais à lui donner ce titre-là. Toutefois je conçois sous ce titre quelque chose de bien plus libre et naturel que mes Chapitres et qui se rapprochera encore plus de la leçon simple et familière par quoi l’on rêve de commencer l’initiation. Je ne dois point cacher que tous ces travaux, d’abord faciles, ont pour fin de changer profondément l’enseignement de la philosophie en France. On a souvent dit, au temps de Lagneau, que ses meilleurs élèves risquaient d’échouer au baccalauréat. Il n’en était rien ; mais enfin il y a quelque apparence que mes vrais disciples puissent passer à côté des questions sorbonniques. Je ne puis qu’éveiller ici leur prudence et répéter qu’une analyse directe des mots usuels permet toujours de traiter honorablement n’importe quelle question. Ce problème du vocabulaire, qui est tout dans l’enseignement, sera beaucoup éclairci dans les futurs Exercices d’Analyse, où je compte expliquer l’usage du tableau noir et des Séries, sujet très obscur, mais qui forme aussitôt l’esprit ; tout problème consiste alors à écrire la série pleine qui y correspond. Qui consulter là-dessus ? Je ne vois que Comte, qui, selon moi, doit être mis au rang des initiateurs de philosophie et qui rendra bien des services par ses dix précieux volumes ; si l’on n’y mord point, c’est que l’on refuse d’être instruit. Tous mes vœux à vous, lecteurs, et surtout ne manquez pas de courage.

ALAIN.
Le 10 mars 1940.