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peu. Au reste l’ancien jeu des métamorphoses traduit assez bien une disposition à penser l’identique ; disposition enfantine de l’esprit toujours soutenue par les mots. Et sans doute les métaphores témoigneraient de même. Mais halte là ! Ce sujet des métaphores offre aussitôt, après de trop faciles remarques, des difficultés supérieures.

CHAPITRE VI

DES IDÉES UNIVERSELLES

Une idée est dite générale lorsqu’elle convient à plusieurs objets ; mais quand on dit qu’une idée est universelle, on ne veut point dire du tout qu’elle convienne à tous les objets ; car il n’y a que les idées de possible ou d’être qui soient dans ce cas, et elles sont bien abstraites et creuses. Et pour les idées d’espace, de temps, de cause, qui sont évidemment des relations, on ne peut point dire qu’elles appartiennent à quelque objet ; on dirait mieux qu’elles sont nécessaires, c’est-à-dire que toute pensée les forme, sans pouvoir les changer arbitrairement. Et puisqu’il y a des idées qui sont communes à tous les esprits, ce sont ces idées-là qui doivent être dites universelles ; et l’on ne fera que revenir au commun usage ; car si l’on dit que quelque chose est généralement admis, cela veut dire que l’expérience y conduit la plupart des hommes, d’après des cas à peu près semblables. Au lieu que si l’on dit que quelque chose est universellement admis, on veut exprimer que cela est clair et indéniable pour tout esprit qui entend la question.