Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
ABIGAÏL.

famille du Cheshire, établie à Ightfield dans le Phropshire, et qui était alliée du côté maternel avec les anciennes et puissantes familles des Egerton et des Cholmoudely.

M. Maynwaring était aussi distingué par ses belles manières et son éducation que par son esprit, son instruction et ses talents ; il traitait admirablement les matières politiques, et passait, avec raison, pour être un satirique émérite et un excellent critique. Ses jugements faisaient autorité pour tout ce qui avait rapport au savoir et au bon goût. Maynwaring avait été récemment nommé au poste d’auditeur par lord Godolphin. Il siégeait au Parlement en qualité de membre pour Preston dans le Lancashire, et, comme la duchesse de Marlborough l’honorait de sa confiance, il lui servait fréquemment de secrétaire particulier. Maynwaring avait environ quarante ans, faisait partie du kit-cat-club, et en était le principal ornement.

Le comte et son compagnon se retournèrent lorsque Masham entra ; un je ne sais quoi dans leurs manières fit soupçonner au jeune homme qu’il était question de lui dans leur entretien.

Il ne se trompait pas ; car, au moment où il passait dans une autre partie de la salle, Sunderland l’appela et lui dit : « Nous parlions de vous, Masham, et j’ai bien fait rire Maynwaring en lui contant ce qui s’est passé hier soir au palais.

— C’est bien là la manière d’agir de miss Abigaïl avec tout le monde, fit Maynwaring en riant encore, et je suis persuadé que, malgré l’accueil encourageant qu’elle a fait à Guiscard, qui a désormais le droit de se croire le préféré, elle lui adressera à peine aujourd’hui un regard encourageant. Qui donc voudrait se faire l’esclave d’une créature aussi capricieuse ?

— Ce ne sera pas moi ! » fit Sunderland en riant du bout des lèvres.

Masham ne put réprimer un soupir.

« Pour l’honneur de notre sexe, j’espère que vous ne lui laisserez pas deviner le pouvoir qu’elle exerce sur vous, dit Maynwaring qui avait remarqué l’émotion du pauvre amoureux.

— Si Masham se croit en danger, dit Sunderland, il n’a qu’à s’absenter de la cour pendant quelques jours.

— Ce serait une folie ! reprit Maynwaring ; on se permettrait une foule de quolibets sur son compte, et le ridicule le perdrait. Non, Masham doit faire bravement face à l’ennemi.