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ABIGAÏL.

ajouta-t-il en s’adressant à la reine, je pense que ma présence n’étant plus ni nécessaire ni désirable, je puis me retirer…

— Avant que vous ne sortiez, monsieur, j’insiste pour qu’il y ait une réconciliation entre vous et la duchesse, dit la reine. Oui ! duchesse, vous avez eu tort, c’est donc à vous à faire les avances… Quoi, vous hésitez ? Mistress Freeman refuse-t-elle la requête de mistress Morley ?

— Ah ! je ne puis résister à cet appel, répliqua la duchesse ; j’ai été trop prompte, monsieur Harley, ajouta-t-elle en lui tendant la main.

— Je prends la main de Votre Grâce comme elle m’est offerte, » reprit M. Harley en s’avançant vers elle ; puis il ajouta à voix basse : « Ce second coup est vraiment plus lourd que le premier. »

La duchesse, qui l’entendit, se prit à sourire d’un air de triomphe.

« Dorénavant, toute hostilité doit cesser entre vous, dit la reine.

— Oh ! très-volontiers, à condition que cette entrevue sera la dernière que M. Harley aura en particulier avec Votre Majesté, répondit la duchesse.

— Très-volontiers aussi, à condition que Votre Grâce continuera à être aussi aimable qu’elle l’est en ce moment, dit Harley. Mistress Freeman est infiniment préférable à la duchesse de Marlborough.

— Puisque la paix est rétablie, je me retire, fit la reine en souriant.

— Eh quoi ! partir sans consacrer quelques instants à une causerie intime avec votre pauvre Freeman si fidèle ? dit à demi-voix la duchesse d’un ton câlin.

— Demain, répondit la reine ; je suis trop fatiguée maintenant ; cette entrevue a épuisé mes forces. Bonsoir, monsieur Harley ; Abigaïl m’accompagne et reviendra vous reconduire dans un instant. »

Tout en parlant ainsi, la reine Anné rendit au ministre le profond salut qu’il venait de lui faire, et se retira avec sa suivante.

La duchesse et Harley se regardèrent fixement et en silence pendant quelques instants.