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ABIGAÏL.

— Mais, ma cousine…

— Pas de mais, interrompit Abigaïl d’un ton péremptoire. Il faut m’obéir, ou bien, plus d’entrevues particulières. Je ne promets pas de pardonner à M. Masham ; je ne dis pas non plus que je consentirai par la suite à accepter ses soins ; mais je brûle du désir de l’humilier, de le tourmenter ; bref, il faut qu’il soit ici demain à mes pieds, plein d’amour et de repentir.

— Je ferai de mon mieux, ma cousine, mais…

— Votre mieux ne me suffit pas, s’écria Abigaïl. Il faut que cela soit, vous dis-je, ou vous ne verrez pas la reine ce soir. Je vous prouverai que j’ai une volonté très-arrêtée.

— Eh bien donc, je vous donne ma parole que cela sera, reprit Harley. Êtes-vous satisfaite ?

— Parfaitement, fit Abigaïl. Maintenant suivez-moi, la reine nous attend. »

En disant ces mots, la jeune fille guida sir Harley à travers un étroit corridor, et pénétra dans une antichambre au bout de laquelle il y avait une porte. Elle frappa légèrement, une voix douce lui répondit d’entrer, et bientôt Abigaïl et son compagnon se trouvèrent en présence de la reine.

Anne était assise dans un fauteuil, et avait devant elle un tabouret de velours.

Elle était vêtue d’une robe de satin blanc garnie des plus riches dentelles. Elle portait sur l’épaule le cordon bleu, et sur sa poitrine une étoile de diamants.

L’appartement dans lequel Anne se tenait, petit cabinet parfaitement convenable pour l’entrevue qui allait avoir lieu, était fort peu meublé, et ne contenait pas d’autre siége que celui que Sa Majesté occupait. Quelques tableaux ornaient les murs ; le plus apparent de tous était un portrait du prince Georges de Danemark.

« J’ai ardemment désiré cette entrevue, madame, dit Harley en s’avançant vers la reine et en lui faisant un profond salut ; car, quoique mon devoir de sujet fidèle et dévoué m’ait depuis quelque temps suggéré l’intention d’entretenir Votre Majesté sur des matières qui me tiennent fort au cœur, à vrai dire, l’occasion de m’expliquer entièrement m’avait manqué jusqu’à ce jour. À l’heure qu’il est je puis parler ouvertement, si votre gracieuse Majesté m’en accorde la permission.

— Je suis convaincue de votre loyauté et de votre dévoue-