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ABIGAÏL.

— Je marcherai, dis-je, monsieur, sans me troubler, continua Sacheverell ; et dans un temps donné, je n’en doute pas, je réveillerai la tiédeur des ouvriers de la vigne du Seigneur ; leur énergie est nécessaire, car à présent plus que jamais l’Église d’Angleterre est en danger. Vous souriez, monsieur Prior, et pourtant ce sujet ne saurait être traité légèrement. Je le répète, l’Église est en danger. Je ferai retentir ce cri jusqu’à ce que les échos me répondent de toutes les parties de ce pays, jusqu’à ce qu’il ébranle le présent ministère dans la sécurité coupable au milieu de laquelle il s’endort.

— Mille dieux ! s’il parvient à faire cela, il aura réellement mérité la mitre, ajouta Prior. Je commence à croire que ce brave homme pourrait être utile, il ne manque pas d’énergie.

— Excellent docteur, ce que vous dites est parfait ! s’écria Saint-John, en s’efforçant, par de bruyants applaudissements, d’étouffer les remarques de son ami. L’Église a en vous un valeureux champion.

— On a montré trop de tolérance envers ses ennemis, et ses amis l’ont trop faiblement défendue, s’écria Sacheverell en s’échauffant ; je veux déclarer la guerre aux non-conformistes, et ce sera une guerre d’extermination, monsieur Saint-John.

— Il rallumera les bûchers à Smithfield, dit tout bas Prior.

— Tout l’appui qu’il sera en notre pouvoir de vous donner, docteur, ne vous fera pas défaut, je vous le jure, ajouta Saint-John, qui s’efforça de sourire. Vous feriez bien de développer complétement vos idées à M. Harley.

— C’est dans cette intention que je suis venu aujourd’hui, monsieur, répondit Sacheverell, et, d’après ce qu’il m’a fait dire, je suis sûr que sa coopération ne me fera pas défaut. M. Harley est un véritable ami de l’Église.

— Il est le véritable ami de lui-même fit Prior à demi-voix, et il a pour culte son propre avancement. Toutefois, s’il appartient à une secte plutôt qu’à une autre, c’est à celle des dissidents. À vrai dire pourtant, en protégeant le haut clergé, il sert ses projets actuels, et on ne pourrait choisir une occasion plus favorable pour solliciter son appui.

— Que dites-vous, monsieur Prior ? demanda Sacheverell.

— Je disais simplement, docteur, que M. Harley sera heureux d’acquérir un allié tel que vous, et qu’il vous appuiera envers et contre tous, répliqua Prior.