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ABIGAÏL.


VIII


Défi à un combat mortel entre M. Hippolyte Bimbelot et le sergent Scales.


Après avoir remis les bottes à qui de droit, le sergent endossa son habit, plaça son chapeau sur son chef, et, accompagné de Proddy, se dirigea vers Pall-Mall. Là les deux amis se séparèrent, en convenant d’un lieu de rendez-vous, pour aller ensemble rendre visite à Greg, ainsi que cela leur avait été ordonné. L’un s’en fut au palais, tandis que l’autre dirigeait ses pas vers le no 29.

Scales fut bientôt arrivé ; par bonheur il trouva sur la porte le valet du marquis, M. Hippolyte Bimbelot, qu’il connaissait un peu. Il entama la conversation et se montra si jovial, qu’il fut promptement invité à entrer dans la maison.

M. Bimbelot n’avait pas déjeuné, et, quoique le sergent eût dévoré deux heures auparavant à peu près deux livres de bifteck, il ne se fit pas trop prier pour se mettre à table. L’exercice du tambour, celui de ses brosses et les chansons, lui avaient aiguisé l’appétit. Quant à M. Bimbelot, il était trop élégant pour manger beaucoup : une aile de poulet, la croûte d’un pain mollet et une pinte de bordeaux lui suffisaient, tandis que le sergent se taillait à même des tranches de jambon, engloutissait de larges tartines de pain, explorait les flancs d’un succulent pâté de foie gras, avalait des œufs frais, et faisait claquer sa langue en dégustant le claret avec une grimace.

Bimbelot cherchait à prouver au sergent que c’était là un vin d’un cru excellent, que son maître l’avait fait venir lui-même de Bordeaux ; mais le sergent répondait sans cérémonie qu’il ne buvait jamais de ces drogues françaises, quoiqu’il avouât en même temps que son aversion ne s’étendait pas jusqu’à l’eau-de-vie de ce pays. Enfin, le goût du soudard se trouva flatté par une bouteille de vin de Canarie, qu’il vanta outre mesure comme le plus merveilleux breuvage du monde pour fortifier l’estomac.