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ABIGAÏL.

— Gardez-vous d’effrayer Greg, poursuivit le duc ; je présume fort qu’il n’est pas seul dans cette machination, et il est nécessaire de s’assurer de tous les coupables ; vous pouvez lui dire en toute sùreté de conscience que sa lettre a été remise à la reine, car je la lui remettrai moi-même en mains propres.

— J’obéirai aux ordres de Votre Grâce, quels qu’ils soient, s’écria le cocher en se remettant un peu de son épouvante.

— Cela suffit, reprit le duc, je prends acte de votre dévouement ; mais je dois vous dire que la moindre indiscrétion vous serait fatale. Retenez bien votre langue. Vous dites que Greg loge des amis chez lui, un curé de village et sa femme, n’est-ce pas ? Il faudra les surveiller aussi.

— Je puis assurer Sa Grâce que ceux-là ne sont pas des traitres : j’en jurerais sur la Bible.

— Je crains qu’il ne soit très-facile de vous duper, mon brave homme, ajouta le duc ; mais nous verrons. Sergent, venez me trouver à deux heures, et vous saurez me dire ce que vous avez appris sur le compte du marquis.

— Malepeste ! s’écria Proddy ; mais j’y pense maintenant, Greg connaît le marquis, je les ai vus ensemble, aussi bien qu’un certain Claude Baud, secrétaire du comte de Briançon.

— En vérité ! fit le duc, le complot prend de la consistance ! Sergent, accompagnez ce soir le cocher, et voyez ce que vous pourrez tirer de Greg. En cas de revers, vous savez ce qu’il y a à faire. Monsieur Proddy, je ne pourrais assez vous recommander la prudence. »

En disant ces mots, le duc sortit de la chambre.

« Miséricorde ! s’écria Proddy en se laissant tomber sur le tabouret, quelle frayeur j’ai eue ! Une correspondance clandestine avec le prétendant ! une affaire qui mène droit au gibet ! et moi, pauvre innocent, qui me laissais entraîner ainsi à mon insu… Oh ! seigneur Dieu |

— Silence n’oubliez pas les recommandations de Sa Grâce. Ne dites pas à âme vivante un mot de ce que vous avez entendu. Ne vous parlez pas à vous-même, car vous ne pouvez avoir aucune confiance en vous. Avant de sortir, il me faut appeler M. Timperley, le valet de chambre de Sa Grâce, afin de lui remettre les bottes de mon général. »