Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
ABIGAÏL.


« Bravo, sergent ! s’écria Proddy ; vous savez aussi bien chanter que vous battez bien le tambour : le tambour est un bel instrument de guerre, sergent.

— Vous avez raison, répliqua vivement Scales : c’est l’instrument le plus harmonieux du monde, à l’exception pourtant du fifre. Mais, à mon goût, je préfère le tambour ; il vous faudrait, camarade, m’entendre exécuter les différents roulements.

— Ah ! et combien y en a-t-il, sergent ? dit Proddy.

— Je ne les ai jamais comptés, répliqua Scales, mais il est facile de le faire : Voyons ! il y a l’appel du matin, c’est-à-dire le réveil… un ; l’appel pour rassembler les troupes… deux ; la marche… trois ; on comptait un autre roulement pour faire charger les armes, autant dire… quatre ; puis la marche des grenadiers… cinq ; puis la retraite…

— Vous ne devez pas battre ce roulement-là souvent, sergent, interrompit Proddy, en insinuant un sourire.

— Très-souvent, au contraire, répliqua Scales, mais pas de la manière que vous supposez. On bat la retraite au coucher du soleil, alors qu’on forme les piquets, et de… six ; vient ensuite l’appel aux armes, l’appel pour aller à l’église, l’appel des sentinelles, l’appel du sergent, l’appel du tambour, le précurseur, qui donne aux hommes le signal de s’appréter à tirer ; la chamade, qui signifie qu’on veut parlementer ; la marche du coquin : on la bat lorsqu’un soldat est expulsé du régiment. Cela fait en tout quinze roulements.

— Vous m’étonnez ! dit Proddy ; j’aurais plutôt pensé qu’il existait quinze manières de faire claquer un fouet.

— Elles existent sans doute pour celui qui sait les découvrir, » objecta Scales d’un air de dédain.

Dans ce moment, comme il avait ciré la première botte et qu’il la trouvait à son gré, il la posa soigneusement à terre et prit en main la seconde.

« Prenez garde à ce que vous faites en ce moment, sergent ! fit Proddy ; vous salissez la carte sur laquelle vous placez votre botte.

    peut être prise en mauvaise part, surtout si l’on songe au peu d’esprit attribué à la reine Anne par ses contemporains. (Note du traducteur.)