court silence, et je vous en estime davantage. Votre main, mon brave ; et maintenant, Proddy, regardez-moi cette botte-là ! Regardez-la bien ; y voyez-vous quelque chose d’extraordinaire ?
— Au bout du pied ou au talon ? demanda le cocher.
— Il faut que vous n’ayez pas d’âme, pour me répondre ainsi, répondit le sergent. Cette botte est remarquable… très-remarquable… c’est une botte historique, je puis le dire. Elle chaussait le duc de Marlborough à la bataille de Ramillies.
— Est-il possible ! s’écria le cocher.
— Rien n’est plus vrai, répliqua Scales ; j’en pourrais dire plus long si je le voulais, mais cela suffit.
— Je suppose qu’il portait la seconde botte à la bataille de Blenheim, fit naïvement le cocher.
— Quelle bêtise ! » s’écria le sergent indigné, tout en se remettant à brosser la botte de toutes ses forces ; et, pour cacher son mécontentement, il entonna une seconde chanson.
Le Roi des crapauds jura, certain jour,
Croakle dom kree, croakle dom kroo !
Qu’à la reine Grue il jouerait un tour !
Blusterem boo… Trusterem through.
Par un décret royal il manda ses armées
Et tous ses généraux aux chapeaux panachés !
Il leur dit : « Nous vaincrons la race des pygmées.
Montjoie et Saint-Denis ! parbleu ! corbleu ! marchez ! »
Croakle dom kree, Croakle dom kroo.
Le combat eut lieu ! mais, qui l’aurait cru ?
Croakle dom kree ! croakle dom kroo.
Le roi batracien se trouva féru !
Blusterem boo… Trusterem through !
La reine Grue avait pour défenseur un aigle,
Bel oiseau gros et fort, possédant un grand bec,
Qui croqua bel et bien tous les crapauds… en règle
Malgré leurs sacrebleu ! et leurs cris en échec,
Croakle dom kree, Croakle dom kroo !
- ↑ Les Anglais ont toujours appelé les Français mangeurs de grenouilles. C’est ainsi que l’on peut expliquer la chanson du sergent Scales, qui plaisante sur les ennemis de la Grande-Bretagne, comme il le fait sur la reine, car la qualification de grue (crane en anglais)