— Ne faites pas attention à moi, répliqua Proddy ; je n’aime pas non plus qu’on m’interrompe quand je suis en affaires ; allez toujours.
— Très-bien ! riposta le sergent ; prenez un siége, ce tabouret par exemple, si vous le trouvez à votre guise.
— Merci, fit Proddy, je préfère me placer ici ; » et posant le pot à bière sur le caisson, il s’y hissa péniblement. Lorsque le cocher royal fut commodément établi sur le meuble, le sergent poursuivit :
« Savez-vous ce que c’est que je tiens là à la main ? »
Le cocher fit un signe d’intelligence.
« Eh bien ! oui, c’est sa botte, camarade… sa botte ! s’écria le sergent avec emphase ; je voudrais bien voir qu’un autre que moi nettoyât ces bottes-là.
— C’est ce que je dis continuellement, lorsque je lave la voiture de notre auguste reine, observa M. Proddy. Je voudrais bien voir qu’un autre que moi touchât à cette voiture : c’est mon refrain de tous les jours.
— Mais le duc est le duc, s’écria le sergent, assez mécontent de la remarque.
— Et la reine est la reine, riposta M. Proddy.
— Quel est le plus grand personnage des deux ? demanda Scales avec une certaine sévérité ; répondez, s’il vous plaît.
— Comment donc ? mais la reine, assurément ! répliqua Proddy.
— Pas le moins du monde, reprit le sergent : le duc est le plus grand des deux. Où en serait la reine, sans mon illustre général ? N’est-ce pas lui qui gagne toutes ses batailles ? n’est-ce pas lui qui maintient la reine Anne sur le trône ? lui qui dirige tout ? n’est-ce pas Marlborough, camarade, qui gouverne le royaume ?
— Mais pas que je sache, répondit Proddy en ouvrant ses petits yeux de toute leur grandeur. On assure plutôt que c’est la duchesse qui gouverne.
— Ab ! maître Proddy, vous êtes un tory, fit dédaigneusement le sergent.
— J’en prends à témoin ma perruque, c’est la vérité, s’écria Proddy ; pourtant j’aime le duc ! mais je dois prendre le parti de ma royale maîtresse.
— Très-bien ! Vous avez raison, reprit le sergent après un