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ABIGAÏL.

DÉPART DE MARLBOROUGH POUR LA GUERRE.


Elles vont commencer les grandes boucheries !
Le duc aux Pays-Bas retourne… ils sont perdus !
La guerre mettra fin aux sottes mômeries
Des aboyeurs de cour au pape tous vendus.
Marlborough n’aura pas vraiment grand’chose à faire
Pour laisser loin de lui nos généraux soumis ;
Les Hollandais fuiront : on les entendra braire
Comme des ânes noirs par des chiens poursuivis.

Vaincus à Schellenberg, ils courent en déroute ;
À Blenheim même jeu : c’était pendant la nuit !
Ramilliès a vu leur armée en déroute,
La baïonnette aux flancs Marlborough les poursuit.
Courez donc ! sauvez-vous ! gros ventrus dont la panse
Enfourne des ragoûts méprisés par les chiens ;
Marlborough court bien mieux, car il aime la danse,
Et ses braves soldats sont de bons musiciens !

C’est fort heureux pour vous, grands avaleurs de bière,
Que notre général ait repassé la mer !
Car s’il fût demeuré dans votre crapaudière,
Il vous eût écrasés ! ça vous eût fait fumer !
Oui ! tous vous savez hien que c’est un camarade
Dont les petits canons sont toujours bien fourbis,
Que Marlborough en Turc donne la bastonnade,
Et qu’à rebrousse-poil il brosse les habits !

Gredins ! je vous entends murmurer à voix basse :
« Le diable soit du duel s’il crevait, quel bonheur ! »
Mais qu’importe au héros cette vaine menace
Et ces souhaits de mort ? Lui mourir ! quelle erreur !
César victorieux que rien ne peut surprendre,
Marlborough doit finir ainsi qu’il a vécu !
La reine va bientôt le renvoyer en Flandre…
Tremblez : il vient, il voit… soudain il a vaincu !


Au moment où le militaire achevait ce dernier vers, M. Proddy entra dans la chambre.

« Votre serviteur, sergent Scales, dit-il, j’arrive : je suis homme de parole, vous le voyez.

— Je m’en aperçois, répondit le sergent ; je suis fort aise de vous voir ; comment vous portez-vous, camarade ? Excusez-moi si je ne vous serre pas la main, mais vous devez comprendre pourquoi ; je suis occupé… ah ! ah ! ah !