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ABIGAÏL.

vures : l’une représentait la bataille de Ramillies, où les hauts faits de l’armée anglaise étaient retracés avec une grande vigueur ; l’autre était le plan de la bataille de Blenheim. Audessous du cadre on voyait la carte de Hollande et un plan du camp et de la tranchée de Schellenberg. Entre ces différents tableaux stratégiques, on apercevait la redingote d’uniforme du sergent, minutieusement brossée, avec ses boutons brillants comme de l’argent, suspendue à une patère surmontée de son tricorne. Sur la gauche, gisait un caisson militaire, sur lequel le nom du propriétaire était inscrit. Au-dessus de cette large boîte était placée une gravure représentant la dernière visite de la reine à Saint-Paul, pour la cérémonie d’actions de grâces. En regard, se trouvait le portrait équestre du duc de Marlborough. Le duc était enveloppé d’un nuage de fumée, et commandait la charge à ses soldats. À côté de l’effigie du général, il y avait un sabre brisé, auquel sans doute se rattachait quelque souvenir historique. Au-dessous du sabre, pendaient une paire de gants de buffle tachés de sang, et une pipe de Kummer.

Çà et là s’étalaient aussi deux caricatures qui passaient pour être les portraits des maréchaux de Villars et de Tallard. Ces gravures informes étaient placées, avec intention probablement, sous celui de leur illustre vainqueur.

Du centre du plafond pendait encore une pièce de vingt-quatre soutenue par une grosse corde. Sur une petite table, à droite, étaient posés une paire de bottes à genouillères (M. Proddy devina facilement à qui elles appartenaient), un pot de cirage, une boîte remplie de brosses, une paire d’éperons, un couteau, et autres menus objets ; par terre gisait une feuille de papier rayé couverte de notes de musique récemment tracées, en tête de laquelle on lisait : « Nouvelle santé portée au duc de Marlborough en trois toasts. » Il y avait aussi une carte de Flandre et un cahier de ballades populaires.

Dès que le sergent eut suffisamment tanné à son gré la peau de son tambour, il se leva, et mettant de côté l’instrument, il prit un tablier de cotonnade et se l’attacha autour de la ceinture ; après quoi il saisit une botte qu’il commença à brosser, et, ayant toussé pour s’éclaircir le gosier, il entonna les strophes suivantes :