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ABIGAÏL.

laissait apercevoir un homme d’une taille athlétique qui, lorsqu’il était debout, devait avoir plus de six pieds de hauteur.

Le colosse était assis sur un tabouret et tenait entre les jambes un grand tambour sur lequel il frappait à tour de bras.

Si le sergent Scales avait peu de chair, en revanche il possédait des muscles sans nombre, des mains et des pieds d’une forme sans pareille, larges comme des battoirs, un visage et toute sa personne énormes à l’avenant. Scales paraissait de force à pouvoir résister à tout. Il était visible que cet homme avait éprouvé de dures fatigues ; mais l’animation de son teint coloré de teintes foncées, pareilles à celle d’une pomme, prouvait que ni la vie militaire, ni le goût pour les liqueurs qu’on attribuait au sergent, n’avaient porté atteinte à sa bonne santé. Son nez était d’une dimension prodigieuse, circonstance à laquelle sans doute il devait la balafre qui avait failli lui enlever ce précieux organe. Grâce au talent du chirurgien, il avait évité d’être entièrement défiguré, car son nez avait été positivement tranché, et le disciple d’Esculape, qui se trouvait par hasard par là, l’avait ramassé presque aussitôt, et réappliqué à sa place ordinaire. L’appendice nasal avait heureusement repris sans se faire prier. À vrai dire, il y avait une cicatrice, mais le nez était aussi solide, aussi ornemental et aussi utile en toutes choses qu’avant l’accident.

Le sergent possédait une paire d’yeux gris, ombragés par d’épais sourcils de la même nuance ; son front élevé était sillonné de plusieurs entailles, et on voyait une large mouche noire posée au-dessous de la tempe gauche, qui signalait la place d’une récente blessure

Tout chez cet homme indiquait le sentiment de la propreté indispensable chez un militaire. Son menton exactement rasé, les rares mèches qui ornaient les deux côtés de sa tête, soigneusement poudrées, et une queue de grosseur convenable, bien droite entre ses deux épaules ; une veste d’uniforme en drap bleu, ajustée à la taille et galonnée de blanc sur les poches et autour des boutonnières ; d’étroites guètres blanches montant au-dessus du genou, des souliers carrés du bout, un col de cuir, et un petit bonnet de même matière : telle était la description exacte de la tenue du sergent Scales.

Au fond de la chambre, se trouvaient suspendues deux gra-