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ABIGAÏL.

stant devant la porte ouverte d’une chambre qui précédait la cuisine.

Autour d’une table, où se faisait entendre un formidable cliquetis de fourchettes et de couteaux, étaient assis un grand nombre de domestiques, présidés par un gros individu à la face rougeaude, vêtu d’une toque, d’une veste et d’un tablier blancs, il s’occupait dans ce moment même à découper un magnifique aloyau de bœuf.

« C’est là un ouvrage difficile, à ce qu’il paraît, monsieur Fishwick, dit Proddy en s’adressant gracieusement au cuisinier. Voilà ce que l’un appelle bien commencer la journée.

— En effet, monsieur Proddy, en effet, répliqua Fishwick en remettant sur son crâne chauve son bonnet qu’il avait ôté pour répondre au salut du cocher royal ; ne voulez-vous pas vous asseoir, monsieur, et manger une bouchée avec nous ? ce bœuf est délicieux, il est aussi gras et aussi succulent qu’un quartier de venaison.

— J’ai bien peu d’appétit, monsieur Fisbwick, répliqua Proddy avec tristesse ; mon estomac est malade, mon cher ami…

— J’en suis fâché, dit Fishwick en branlant la tête ; car moi qui vous parle, je me croirais en mauvais état si je ne faisais pas un excellent déjeuner. Venez donc vous asseoir et essayez de manger. Voici du pâté froid ; peut-être des saucisses frites, une tranche de jambon ou un peu de langue fumée pourront vous tenter ?

— Prenez une tasse de chocolat avec moi, cela vous fortifiera, monsieur Proddy, dit à l’autre bout de la table une femme entre deux âges, à l’air égrillard, et qui paraissait être une intendante.

— Prenez plutôt une tasse de thé avec moi, monsieur Proddy, reprit une personne beaucoup plus jeune que la première, et qui par ses manières et son accoutrement ressemblait fort à une femme de chambre, c’est bon pour les nerfs.

— Je vous suis fort obligé, mistress Tipping, et à vous aussi, mistress Plumpton, répliqua Proddy ; mes nerfs ne me tourmentent pas et je n’ai pas besoin de fortifiants. Je vous remercie néanmoins de tout cœur. Mais voyez-vous, monsieur Flishwich, avec votre permission, je prendrai une tartine que j’arroserai avec l’ale que voici.