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ABIGAÏL.

avec cet intrigant français. Il ne faut jamais, lorsque la chose est possible, laisser échapper l’occasion de jouer un bon tour à ses adversaires. »

Dans ce même instant la reine se retirait dans ses appartements, et la foule des invités ne tarda pas à quitter le palais. Quant à la duchesse, elle rentra à Marlborough-house, charmée du résultat de ses intrigues.


V


Coup d’œil à l’office de Marlborough-house.


Le lendemain du bal, au moment même où huit heures sonnaient à l’horloge de la vieille église de Saint-Martin (celle qui existe aujourd’hui est de construction moderne), M. Proddy, cocher de la reine, sortait des écuries royales de Charing-Cross, et se dirigeait vers Marlborough-house.

M. Proddy était un fort petit homme, mais il se considérait comme un grand personnage. Il est hors de doute que le lord trésorier était moins pénétré que lui de l’importance de sa charge et de son individualité. La nature avait été singulièrement prodigue envers lui, et, s’il n’était pas né dans une situation élevée, il avait été créé pour y parvenir. Son teint avait l’éclat de la crête d’un dindon, et sa taille, qui ne dépassait pas quatre pieds, avait les proportions de celle qu’on attribue à Bacchus.

M. Proddy avait le sentiment de ses avantages ; nul n’était plus fier que lui de ses mollets et de sa prestance, et il prenait soin par mille moyens d’entretenir la fraîcheur de ses joues. Lorsqu’il était contraint de marcher, il se pavanait avec importance, saluait légèrement les amis qu’il rencontrait, regardait dédaigneusemont les passants, s’en allait le nez au vent, ce qui lui était facile, car son nez était court et camard ; et, pour tout dire en peu de mots, son double menton lui donnait un aspect des plus imposants.

Si grand que fût le petit M. Proddy planté sur ses pieds, il