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ABIGAÏL.

pas être flatteuse pour moi, marquis, fit Harley d’un ton railleur.

— À part mes sentiments à l’égard de miss Hill, continua Guiscard sans paraître le comprendre, un des principaux charmes de ce mariage à mes yeux, si j’avais le bonheur d’obtenir la main de mis Hill, c’est qu’il me mettrait à même, monsieur Harley, de vous servir aussi efficacement que je désire le faire.

— En vérité, marquis, j’ai pour vous une retonnaissance que je ne saurais exprimer, répliqua Harley avec l’accent d’une incrédulité méprisante. À vrai dire, cependant, je crains que votre bonne intelligence avec certaine grande dame, dont la manière de voir diffère de la mienne en bien des choses, ne paralyse bientôt vos intentions bienveillantes.

— Je vous assure, monsieur Harley, qu’il n’y a aucune intelligence bonne ou mauvaise entre la duchesse et moi, répliqua Guiscard ; et y en eût-il, ajouta-t-il en baissant la voix et prenant l’air cunfidentiel, je ne me considère pas comme engagé à rien. La duchesse se sert de moi pour ses projets personnels, et par conséquent je ne lui dois rien ; mais je saurais me montrer reconnaissant envers celui qui me servirait dans un but plus désintéressé.

— Pour trouver à la cour un ami désintéressé, marquis, il vous faudrait une lanterne plus claire que celle de Diogène, répliqua Harley sans réprimer un sourire moqueur ; si je vous aidais, ce serait pour les mêmes motifs que la duchesse.

— Eh bien ! j’y consens ; le voulez-vous ? demanda avidement Guiscard.

— Bah ! s’écria Ilarley ; quelle confiance peut-on avoir à vos promesses ?

— Le lieu où nous sommes n’est pas propice aux explications, monsieur, répliqua Guiscard d’une voix rapide et en réprimant la force de ses paroles ; mais quoique ma conduite puisse me donner l’apparence d’un homme à double face, vous prouverai facilement ma sincérité. Je sais que nous sommes d’accord sur plusieurs points ; nous avons l’un et l’autre une estime secrète pour une famille exilée…

— Silence ! interrompit Harley, qui mit un doigt sur ses lèvres en lui montrant de l’œil le comte de Briançon, qui