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ABIGAÏL.

veulent. Comment pourrais-je exiger qu’elle füt meilleure que les autres ? Dès qu’une femme se mêle d’une affaire, on peut être sùr qu’elle ne réussira pas. Je me soucie fort peu de Masham, mais je le préférerais à cet intrigant français, qui saura promptement perdre Abigaïl et se ruiner lui-même. C’est bien aussi parce que la duchesse sait tout cela qu’elle le protége.

Allons ! allons ! il faut faire cesser ces folies. » Ce n’était pourtant pas chose facile, car Abigaïl s’obstinait à ne pas comprendre les coups d’œil et à ne pas écouter les reproches de Harley, et il fut obligé de se retirer tout confus, car il se sentait épié par la duchesse. Ce fut donc en exhalant sa colère et en prononçant de sourdes malédictions contre le beau sexe qu’il revint à la chambre verte alors déserte, afin de mieux méditer sur ce qui venait de se passer, et de trouver les moyens d’user de représailles envers son ennemi.

Pendant qu’il était ainsi occupé, Guiscard entra dans le salon en compagnie du comte de Briançon. Ce dernier se jeta sur une chaise auprès de la table, et fit semblant d’examiner les cartes du jeu de piquet, tandis que le marquis s’avançait rapidement vers Harley.

« Eh ! quoi, marquis, s’écria celui-ci, vous avez donc déjà quitté votre belle danseuse ? je vous croyais rivés l’un à l’autre pour toute la soirée :

— Miss Hill a rejoint la reine, répondit Guiscard ; et, vous voyant entrer ici, j’ai voulu saisir une occasion favorable pour vous dire deux mots, monsieur Harley. »

Le secrétaire s’inclina avec une certaine roideur.

« J’ai lieu de croire que mes assiduités ne sont point désagréables à miss Hill, poursuivit le marquis. Vous êtes son cousin, monsieur Harley.

— Miss Hill disposera d’elle-même sans me consulter, marquis, répliqua le secrétaire avec une certaine sécheresse, et vous feriez micux de vous adresser à la duchesse de Marlborough, sa parente au même degré que moi.

— Je suis sûr de l’assentiment de la duchesse, répliqua Guiscard ; et si je désire savoir par moi-même de quel œil vous verriez cette union, c’est parce qu’ayant pour vous, monsieur Harley, une profonde estime, je ne voudrais rien faire qui vous fût désagréable.

— L’alliance est trop avantageuse et trop illustre pour ne