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ABIGAÏL.

— Et bien vous feriez ! » riposta la duchesse avec un sourire. Au moment où elle prononçait ces mots, le comte de Sunderland entra suivi de Masham. Ce dernier paraissait fort animé.

« Ah ! monsieur Masham ! s’écria la reine, vous arrivez à propos ; je veux vous réconcilier avec le marquis de Guiscard.

— Votre Majesté est bien bonne, répliqua Masham, mais nous nous sommes déjà réconciliés.

— Je suis heureuse de l’apprendre, reprit la reine, car j’ignorais que vous vous fussiez rencontrés.

— Pardon, madame ! répondit Masham ; nous avons dîné ensemble à Marlborough-house, et nous sommes les meilleurs amis du monde. Au lieu de nous disputer, nous avons ri du meilleur cœur de l’aventure du matin, et, si j’avais connu le motif véritable du marquis, je ne serais pas intervenu.

— En vérité ! s’écria Abigaïl avec un regard de désappointement mal déguisé.

— Certes, vous ne prétendez pas dire, monsieur Masham, fit la reine, qu’il ait pu justifier sa conduite ?

— Je n’ai pas besoin de rappeler à Votre Majesté qu’en amour comme en guerre tous les moyens sont bons, répondit Masham en s’inclinant profondément.

— Vous êtes incompréhensible, monsieur, fit Abigaïl d’ua ton piqué.

— Hélas ! je ne suis pas la seule personne incompréhensible dans ce monde, miss Hill, répondit Masham.

— Il y a ici, ce me semble, un malentendu, interrompit Harley, qui venait de finir sa partie de piquet ; puis-je raccommoder les choses ?

— Là où les autres échouent, M. Harley réussira sans doute, répliqua la duchesse avec ironie.

— J’essayerai à tous hasards, madame, réplique le $ecrétaire. Vous avez l’air troublé, ma chère ? ajouta-t-il en s’adressant à Abigaïl.

— Pas le moins du monde, mon cousin, répondit-elle vivement.

— Et vous ? demanda-t-il à Masham.

— Oh ! certainement non, répondit-il aussi, à part le regret d’avoir, comme un sot, empêché une plaisanterie.