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ABIGAÏL.

Il y eut un moment de silence pendant lequel la reine et la duchesse de Marlborough échangèrent un regard rapide.

« Vous avez eu tort, marquis, dit enfin la première : mais le motif de votre action atténue la faute que vous avez commise.

— Je n’ai, madame, pour justifier ma conduite et me servir d’excuse, que l’entraînement de mon indomptable passion, poursuivit le marquis d’un air contrit, et je supplie miss Hill de me pardonner.

— Je vous pardonnerais de grand cœur, répondit Abigaïl, si j’étais sûre qu’à l’avenir une pareille scène ne se renouvelât pas.

— M’acceptez-vous pour médiateur, Abigaïl ? fit la duchesse.

— Votre Grâce perdrait san temps, répliqua celle-ci. Je suis surprise qu’un homme du caractère du marquis s’obstine à persévérer là où il n’a aucune chance de succès. Le duc de Marlborough pourrait lui dire qu’une retraite habile vaut une victoire. Qu’il se retire donc à cette heure, puisqu’il peut le faire avec honneur.

— Avez-vous une réponse à faire, marquis ? dit la reine en souriant.

— Certainement, madame, dit Guiscard humilié en s’inclinant ; mais un grand monarque de mon pays, qui était réputé pour connaitre à fond le sexe faible, dit un jour certaine phrase qui est devenue une maxime :


Souvent femme varie,
Bien fol est qui s’y fie.


J’ai fait par moi-même l’expérience de cette vérité, et j’avoue que le refus d’aujourd’hui ne me décourage point.

— Je vous interdis, toutefois, une nouvelle tentative à l’avenir, dit la reine.

— Fort bien, madame ; mais si j’obtiens le consentement de la belle Abigaïl elle-même ? répondit Guiscard,

— En cas, fit la reine, l’interdit serait levé.

— Elle vous appartiendra, dit à voix basse la duchesse à Guiscard.

— Je connais celle sur qui je m’appuie, répliqua le marquis sur le même ton, et je me ferais plus à la parole de Votre Grâce qu’à toutes les promesses de la belle elle-même.