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ABIGAÏL.

compagnie d’une personne qui maintenant vous plaît plus que moi.

— Parlez-vous d’Abigaïl ? répliqua la reine en rougissant presque. Cette charmante enfant m’a été en effet d’une société agréable, car elle a autant de goùt pour la musique que j’en ai moi-même, et nous nous entretenions ensemble sur les jolis airs que nous venons d’entendre.

— Je suppose que Votre Majesté a appris l’aventure qui est arrivée ce matin à Abigaïl, en se rendant à la réception ? fit la duchesse, avec un sentiment de malice.

— Oh ! oui, répondit la reine, et j’ai pris des mesures pour que le conflit qui s’est élevé entre le marquis de Guiscard et M. Masham n’eût pas d’autres suites.

— Votre Majesté est très-prévoyante, ajouta la duchesse. Mais je trouve qu’il eût été plus convenable que la jeune personne me rendît compte à moi, sa parente, de cet événement extraordinaire.

— J’ai cru faire mon devoir en en faisant part à Sa Majesté, repartit Abigaïl, et je ne me serais nullement mélée de la querelle si je n’avais craint qu’il n’arrivât un malheur…

— À M. Masham, riposta malicieusement la duchesse en achevant la phrase d’Abigaïl. Mais vous avez pris un soin superflu ; le marquis de Guiscard est venu me faire ses excuses au sujet de ce qui s’est passé, et je dois avouer que ses explications m’ont paru satisfaisantes. Il prétend qu’ayant mal interprété ses intentions, vous l’avez traité d’une façon qui l’a exasperé jusqu’à la violence, et il désire vous en exprimer ses regrets.

— Je ne me suis pas méprise un seul instant sur ses intentions, reprit Abigaïl d’une voix ferme.

— Si vous voulez par ces paroles nous insinuer qu’il est amoureux de vous, continua la duchesse, je dois vous dire que vous avez raison. Car il m’a fait l’aveu de sa passion, en me priant instamment de plaider sa cause. Pour ma part, je trouve que ses offres ne sont pas à dédaigner, et, en ma qualité de parente, je serais chärmée de voir conclure cette alliance. Ainsi donc, si vous n’avez point d’objection, ma cousine, Sa Majesté, j’en suis persuadée, ne refusera pas son consentement.

— Je ne le refuserais certainement pas, si j’étais sûre que le