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ABIGAÏL.

roide, comme aussi ses manches qu’elle portait courtes, autre mode qui lui était avantageuse, car elle avait des bras d’une rondeur et d’une blancheur sans égales. Ses cheveux fort beaux, et d’un brun foncé, se trouvaient séparés sur le sommet du front ; sa coiffure échafaudée en larges boucles sur le haut de la tête, était retenue par derrière avec un cordon de perles aussi belles que celles de son collier, et les cheveux retombaient sur ses épaules en spirales soyeuses. Le teint frais et rosé de la grande dame ne devait point son éclat à l’art ; ses traits étaient réguliers, sa bouche petite et gracieuse, son menton parfait, ses yeux agréables, et pourtant leur éclat était terni par une légère contraction des paupières et une certaine lourdeur dans les sourcils, qui imprimaient à sa physionomie une expression presque farouche.

La duchesse de Marlborough s’exprime de la manière suivante dans le portrait qu’elle nousa laissé de la reine Anne :

« Il y avait dans son regard quelque chose de majestueux et un sentiment de tristesse et de sévérité qui dénotaient clairement la mélancolie de son âme et de son caractère. »

Mais celle qui trace ce portrait l’écrivit après avoir, par sa propre imprudence, amené la tristesse et la sévérité sur le front de sa souveraine.

Les manières d’Anne étaient pleines de dignité, de grâce et d’aisance, et son embonpoint, loin de la déparer, ajoutait à la majesté de son maintien. La reine était de moyenne taille. Dans une position moins élevée, Anne eût êté admirée pour ses talents et ses attraits. Dans sa jeunesse, elle avait dansé à merveille : elle chantait eñ s’accompagnant elle-même sur la guitare, instrument alors fort en vogue, dont elle avait joué à la perfection : sa voix était claire et harmonieuse, et, particularité digne de remarque (car de nos jours l’héritière du trône d’Angleterre lui ressemble sur ce chapitre), elle adressait souvent d’admirébles discours au parlement.

Nous avons déja parlé des vertus privées de la reine Anne, qui était un modèle d’affection conjugale ; elle avait le cœur plein d’amabilité, de dévouement, de charité, et connaissait à fond l’économie, car ses caisses étaient toujours pleines. Elle aimait les lettres et se montra zélée pour le bien de l’Église. La générosité avec laquelle elle renonça à ses dimes et redevances au profit des pauvres curés, imposa au clergé d’Angle-