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ABIGAÏL.

m’a trompée aussi moi-même ; mais si vous m’aimez, Bolingbroke, qu’il ne soit plus question de cela.

— Que Votre Majesté consente du moins, s’écria lady Masham, à chasser monsieur de sa présence avec le mépris qu’il mérite.

— Si Votre Majesté m’y auturise, je me charge de l’exécution, dit Bolingbroke.

— Paix ! paix ! milord, je vous en conjure, s’écria Anne ; on dirait, à vous entendre, que vous voulez tous me manquer de respect.

— Votre Majesté peut apprécier en ce moment l’estime et les égards que ses amis ont pour elle, observa ironiquement Oxford.

— Les gens de cour sont tous les mèmes ! s’écria la reine défaillante.

— De quel crime m’accuse-t-on ? demanda Oxford en s’adressant à la reine.

— Je vais vous le dire, moi, répondit Bolingbroke ; je vous accuse de jouer un double jeu. Je vous accuse d’imposture et de trahison envers la reine et envers le cabinet tout entier. Je vous accuse d’entretenir les espérances de l’électeur de Hanovre d’un côté, et celles du prince James de l’autre. Je vous accuse d’intriguer avec Marlborough, et de vous appropricr les deniers publics.

— Ces accusations, milord, doivent être formulées sérieusement, et je saurai y répondre de même, interrompit Oxford qui s’approcha de lui, la main sur la garde de son épée.

— Elles le seront, milord, dit Bolingbroke avec une dédaigneuse hauteur.

— Bolingbroke, vous êtes un scélérat, un misérable lâche ! s’écria Oxford, perdant toute patience et le frappant au visage avec son gant.

— Ah ! hurla Bolingbroke transporté de fureur et tirant à demi son épée.

— Milords ! s’écria la reine en se levant avec majesté, je vous somme de maîtriser votre haine mutuelle ; cette scène me tuera… Ah ! fit-elle en retombant épuisée sur le fauteuil où elle était assise.

— Mille pardons, ma gracieuse souveraine, s’écria Bolingbroke qui courut à elle et tomba à ses pieds ; je me suis oublié !