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ABIGAÏL.

Masham, dont le mari avait été élevé à la pairie en même temps que neuf autres, dans le but de donner plus de force au gouvernement immédiatement après le renvoi du duc de Marlborough.

Saint-Jobhn avait heureusement négocié la paix d’Utrecht, il devint donc impossible de lui refuser une distinction : on le créa vicomte de Bolingbroke, mais il avait espéré une couronne de comte. Il lui fut impossible d’obtenir l’ordre de la Jarretière, qu’il souhaitait d’autant plus qu’Oxford étalait à tous les yeux cette décoration. Bolingbroke ne put oublier cette déception, et depuis ce moment il devint froid avec son ami, et fit tous ses efforts pour parvenir à le renverser.

Lady Masham fut pour lui un puissant auxiliaire. Elle était indignée contre le trésorier, qui avait refusé de sanctionner, et par conséquent de payer une pension et des gratifications que la reine avait bien voulu lui accorder. Soutenu par une femme très-habile, Bolingbroke obtint bientôt un ascendant supérieur à celui de son rival, et il se vit assuré de le supplanter aussitôt qu’Anne triompherait de ses irrésolutions pour le congédier.

La chute d’Oxford fut néanmoins longtemps retardée, et la reine n’y consentit qu’après la mort de la princesse Sophie, et lorsque Sa Majesté se trouva éclairée sur les secrètes ouvertures faites par son ministre à l’électeur de Hanovre : la cour de Saint-Germain lui fit aussi donner des preuves de la duplicité d’Oxford et l’exhorta à le renvoyer.

Le parti jacobite, dont Bolingbroke était le chef, était devenu fort important sur la fin du règne d’Anne, et, comme on n’ignorait pas la répugnance qu’éprouvait la reine pour la succession de Hanovre et sa prédilection pour son frère le chevalier de Saint-Georges, on se berçait de l’espoir de voir à sa mort la monarchie héréditaire sérieusement rétablie.

La mauvaise santé de la reine faisait entrevoir une prochaine solution à cette question incertaine de la succession au trône, et les esprits sérieux qui connaissaient les tendances de l’opinion générale conservaient peu de doute sur la manière dont elle serait résolue. L’influence du parti hanovrien était prépondérante ; mais, à un ambitieux du caractère de Bolingbroke, les chances de fortune et de grandeur que lui promettait son dévouement à la dynastie déchue et exilée des Stuarts étaient