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ABIGAÏL.

une lettre dans laquelle il déclarait que l’argent qu’il avait reçu était tout simplement le droit casuel alloué au général en chef commandant l’armée des Pays-Bas, bien avant la révolution, l’accusation n’en fut pas moins maintenue et lui valut de nombreuses injures.

C’est ainsi qu’on prépara l’esprit public à s’habituer à la chute de Marlborough.

Lors de son retour des Pays-Bas, à la fin de l’année, il eut à subir des insultes et des indignités sans nombre de la part de la populace, dont il avait jadis été l’idole. La reine et sa cour le traitèrent même avec indifférence et froideur.

Lors de l’ouverture du parlement et du débat pour l’adresse, le comte d’Angleser observa que le pays aurait pu jouir des douceurs de la paix aussitôt après la bataille de Ramillies, si cette paix n’avait pas été retardée par des personnes qui avaient intérêt à prolonger la guerre.

À cette injuste insinuation, le duc de Marlborough fit une réponse touchante et digne, qui produisit une grande impression, car la reine était présente incognito au fond de la tribune royale.

« Je puis jurer, avec une conscience pure, s’écria le duc, en présence de Sa Majesté, de cette illustre assemblée, et de Dieu lui-même, qui est infiniment supérieur à toutes les puissances de la terre, et devant lequel, suivant le cours ordinaire de la nature, je paraîtrai bientôt pour rendre compte de mes actions, que j’ai toujours désiré une paix solide et durable, et que j’ai toujours évité de prolonger la guerre en vue de mes intérêts particuliers, comme mes calomniateurs le prétendent. Mon grand âge et les fatigues des camps me font désirer ardemment de pouvoir jouir d’un peu de repos, afin de songer à l’éternité. Je n’ai jamais eu de motifs pour souhaiter la continuation de la guerre, car mes services ont été largement et généreusement récompensés par Sa Majesté et par le parlement. »

L’amendement à l’adresse, proposé par lord Nottingham, et soutenu par Marlburough, ayant passé à la chambre des Lords causa une chaude alarme aux tories, et le bruit courut qu’on allait former un nouveau ministère, dont lord Somers serait le chef, et Walpole le secrétaire d’État.

Mistress Masham avoua que les sentiments de la reine avaient