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ABIGAÏL.

— Eh bien ! si vous ne voulez pas venir avec moi, je vais alors rester avec vous, fit Scales en prenant un siége, car je compte ne plus vous quitter, Proddy.

— Serait-il vrai ? s’écria le cocher, encore plus terrifé.

— Non, nous ne nous séparerons plus, répondit Scales. Cette fois-ci, j’ai un fort long congé.

— Vous ne prétendez pas me faire croire qu’on vous permet là-bas de vous absenter trop longtemps, dit Proddy.

— Là-bas ! repéta le sergent. Ah ! jy suis ! Vous voulez dire les Pays-Bas ?

— Appelez cet endroit-là du nom qu’il vous plaira, repartit Proddy. Ordinairement cependant on lui donne ici une appellation moins agréable.

— Bon ! reprit le sergent, nous ne nous disputerons pas pour un mot. Ce que je veux dire, c’est que je ne suis plus au service. Me voici désormais près de vous comme si j’étais mort.

— Je le sais ! fit Proddy en frissonnant.

— Mais je ne renoncerai à aucune de mes anciennes habitudes, fit Scales ; je battrai du tambour comme auparavant, je nettoierai les bottes du duc, je hanterai les mêmes endroits.

— Oh ! non, oh non, s’écria Proddy.

— Et pourquoi pas ? interrompit le sergent. Est-il survenu quoi que ce soit qui puisse m’en empêcher ? Pourquoi donc me regardez-vous ainsi, mon cher ? Est-ce que vous me trouvez changé ?

— Pas autant que je l’aurais cru, répondit Proddy.

— Je conviens, pourtant, ft le sergent, que je suis quelque peu changé. J’ai été cruellement éprouvé pendant les trois derniers mois. Ah ! la garnison ne valait pas grand’chose ! Il y faisait chaud comme en enfer…

« Oh ! ne m’en parlez pas ! interrompit le cocher. Quel soulagement ce doit être que d’échapper à pareil supplice !

— Vous le comprendriez mieux si vous l’aviez éprouvé, répondit Scales. Quelle fraîcheur et quel confort on ressent ici ! Je viendrai souvent passer une heure avec vous. »

Proddy poussa un gémissement prolongé.

« Ma foi, continua le sergent, puisque nous parlons du changement de ma physionomie, croyez-vous qu’elles me reconnaîtront ?