Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
ABIGAÏL.

— Eh quoi ! madame, s’écria le duc, est-il donc nécessaire de vous rappeler votre promesse ?

— Elle m’a été extorquée ! répondit la reine.

— Alors même que ce serait, madame, et cela n’est pas, reprit fièrement Marlborough, votre parole royale, une fois donnée, ne devrait pas être révoquée.

— Ces promesses-là, milord, sont en général faites sous toutes réserves, répondit Anne en rougissant ; et ma parole était subordonnée à la bonne conduite de Sa Grâce.

— Pardonnez-moi, madame, insista le duc ; la duchesse m’a toujours dit, et elle est incapable d’affirmer un mensonge, qu’il n’a pas été question de conditions entre elle et vous.

— Ma parole, je pense, vaut celle de la duchesse, milord, s’écria la reine d’une voix irritée, quoique vous ayez l’air de vouloir dire le contraire.

— Votre Majesté ne me comprend pas, ajouta le duc. Je n’élève pas l’ombre d’un doute sur votre véräcité ; vous avez, j’en suis cértain, donné votre parole avec la restriction tacite dont vous parlez, et je suis certain aussi que la duchesse n’a pas soupçonné cette restriction. C’est donc avec cette conviction que je supplie Votre Majesté, au moment de se séparer de sa vieille amie et fidèle servante, de ne pas mettre en oubli ses services, et de ne point donner à des étrangers ce qui est dû à elle seule.

— J’ai fait tout ce que j’ai cru devoir faire, répondit la reine ; j’en ai même fait plus qu’on ne m’avait conseillé de faire. J’accepte la démission de Sa Grâce, et je lui ordonne de me restituer la clef d’or avant qu’il soit trois jours. »

Marlborough regarda la reine comme l’eût fait un homme foudroyé.

« Avant trois jours ! répéta-t-il. Si Votre Majesté est véritablement décidée à congédier la duchesse, si elle résiste à mes remontrances, accordez-moi au moins un délai de dix jours, afin que je me concerte avec ma famille pour adoucir ce coup cruel à ma femme.

— Je ne ferai à aucun prix ce que vous demandez, répliqua la reine effrayée ; je me repens, au contraire, d’avoir fixé un si long terme, et je le réduis à deux jours.

— Puisque cela doit être, un jour de plus ne signife rien,