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ABIGAÏL.

— Je ne sais rien, Votre Grâce, » répondit le page, qui marchait discrètement en avant.

La duchesse fut introduite dans un cabinet où elle trouva la reine seule. _ « Bonsoir, duchesse, dit la reine. Je ne comptais pas sur votre venue, et j’allais vous écrire.

— Je suis désolée d’importuner Votre Majesté, dit la duchesse, mais j’ai d’importantes communications à lui faire.

— Vraiment ? fil la reine ; que ne les mettiez-vous par écrit ?

— J’aurai plus promptement tout raconté, Majesté, dit la duchesse.

— Il vaudrait mieux m’écrire, interrompit Anne.

— Permettez, madame, que…

— Écrivez, écrivez ! poursuivit Anne avec impatience.

— Oh ! madame ! vous êtes en effet bien changée, puisque vous avez le cœur de me traiter ainsi ! s’écria la duchesse ; jamais, à ma connaissance, vous n’avez refusé d’écouter une demande, et pourtant vous refusez de m’entendre, moi, jadis votre favorite, votre amie bien-aimée ! Ne craignez pas, madame, que j’attaque un sujet de conversation qui vous soit désagréable, je désire simplement réfuter les imputations mensongères qui ont été alléguées contre moi.

— Je vois bien qu’il faut me décider à vous écouter, s’écria Anne avec un geste d’impatience et en détournant la tête.

— Oh ! ne me parlez pas ainsi, madame ! s’écria la duchesse. Par pitié ! regardez-moi, je vous en conjure. Vous n’aviez pas l’habitude de me montrer tant de dureté de cœur. De méchants conseillers ont opéré sur votre bienveillant caractère un changement funeste. Soyez pour moi, pendant les quelques minutes que j’emploierai à plaider ma cause, soyez la mistress Morley d’autrefois.

— Non, duchesse, répondit Anne d’un ton glacial et sans la regarder ; tout cela est fini, et c’est vous seule que vous devez accuser du changement qui s’est opéré en moi.

— Écoutez-moi, madame, s’écria la duchesse avec entraînement, on m’a fait un grand tort dans votre esprit. Il y a autour de vous des personnes que je ne veux pas nommer, qui m’ont indignement calomniée. Je ne suis pas plus capable de dire