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ABIGAÏL.

devant la nation entière. Je ferai plus, je lui ouvrirai les yeux sur votre astuce et sur vos trahisons.

— Je suis trop certaine de l’estime de Sa Majesté, et trop confiante dans ma probité, duchesse, pour m’effrayer de vos menaces, répondit ironiquement mistress Masham.

— Hypocrite ! s’écria la duchesse.

— Insolente ! riposia mistress Masham,

— Assez ! s’écria la reine ; cette guerre de paroles me déplaît fort ! J’ai consenti à cette entrevue, duchesse, à condition qu’il ne se passerait rien de fâcheux ; mais, si vous porsistez à vous quereller avec Abigaïl, je vous prierai de vous retirer.

— Je me tais, madame, fit la duchesse en se contraignant. Il ne sera pes dit que j’aie manqué de réspect à Votre Majesté, pas plus que je ne souffrirai d’avoir été impunément insultée par une de vos femmes. Ce soir j’aurai l’honneur de me présenter en vertu de votre gracieuse autorisation. »

En disant ces mots, la duchesse adressa une profonde révérence à la reine, et se retira après avoir lancé aux personnes présentes un regard de haine et de défi,

« Une pareille insolence est intolérable ! s’écria la reine, je regrette presque d’avoir promis de recevoir la duchesse.

— Pourquoi alors, madame, ne pas rétracter votre promesse ? fit Abigaïl ; ordonnez-lui de vous donner ses explications par écrit :

— Ah ! vous aves raison, répondit la reine après une courte hésitation.

— Je suis charmée que Votre Majesté se décide. Il est probable que la duchesse n’aura aucun égard à cette invitation ; mais cet ordre la convaincra par avance qu’elle n’a rien à espérer de vous. »

Les choses se passèrent comme l’avait deviné mistress Masham : l’ordre de la reine ayant été transmis à la duchesse, celle-ci pria Sa Majesté de lui assigner un autre rendez-vous.

« Votre Majesté, lui écrivit-elle, ne peut ni me refuser une dernière entrevue, ni priver une vieille amie et une fidèle sujette d’user de tous les moyens possibles pour se justifier à ses yeux. Je ne désire aucune réponse à cette justification, je ne demande qu’à être écoutée.

— Que faire, Abigaïl ? dit la reine à sa favorite qui était présente.