Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
ABIGAÏL.


XII


Dernière entrevue de la reine et de la duchesse de Marlborough.


Tous rapports d’amitié avaient depuis longtemps cessé entre Anne et la duchesse de Marlborough ; cette dernière comprit enfin l’ascendant qu’avait acquis sa rivale mistress Masham, et l’impossibilité où elle était de recouvrer l’influence qu’elle avait elle-même perdue. Elle écrivit alors à la reine, pour lui rappeler une promesse qu’elle lui avait extorquée dans un moment de bienveillance. Il s’agissait d’accorder à ses filles la survivance de ses places, et elle demanda à Sa Majesté la permission de s’en démettre en leur faveur.

Anne répondit que, pour le moment, elle ne devait pas songer à la quitter ; mais, la duchesse ayant insisté, Anne répondit impérieusement qu’elle défendait qu’on lui parlât davantage de tout cela. En dépit de cette défense, la duchesse adressa à sa royale maîtresse une longue lettre de réprimandes et de reproches, puis elle quitta la cour. Elle se retira ensuite à la loge de Windsor, dont elle avait la jouissance, en vertu de sa charge de gardienne des parcs royaux. On profita immédiatement de son absence pour faire circuler une foule de bruits désavantageux sur son compte : quelques-unes de ces rumeurs étant parvenues jusqu’à elle, elle revint à la hâte à la cour, dans le but de se disculper vis-à-vis de la reine.

Anne la reçut avec une froideur extrême, en présence de la duchesse de Somerset et de mistress Masbham, car elle lui avait refusé une audience particulière. L’altière duchesse, ne pouvant se résigner à supporter les airs de dédain qu’on lui prodiguait, se redressa de toute sa hauteur, et adressa à mistress Masham un sourire de mépris.

« Puisque Votre Majesté m’y force, dit-elle enfin à haute voix, je déclare ouvertement, et à qui voudra l’entendre, que les plus vils mensonges ont été propagés contre moi par votre indigne favorite, et que c’est elle qui, en ce moment, vous empèche d’entendre ma justification.