Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
ABIGAÏL.

je n’affecte pas un mépris puéril de la mort, mais j’ai à régler des affaires de famille avant de me trouver à la dernière extrémité.

— Je n’appréhende aucune conséquence grave, monsieur, dit Bussière ; mais, comme il est inévitable que vous ayez la fièvre, il serait à propos d’éviter la moindre préoccupation ; si donc vous avez quelques arrangements à faire, je suis d’avis que vous ne différiez pas un instant de vous en occuper.

— Je vons comprends, monsieur, répondit Harley, et je ne négligerai pas votre avertissement. »

Le médecin sonda sa plaie et la pansa : sir Harley supporta cette opération, naturellement fort douloureuse, avec un très-grand courage ; il n’articula même pas une plainte ; bien plus, il remarqua en plaisantant, lorsque l’incision pour élargir la plaie eut été faite, que la lame du chirurgien était plus acérée que celle de Guiscard. Dès que le pansement fut achevé, Bussière déclara qu’il n’y avait pas le moindre danger, et qu’il se portait garant du prompt et parfait rétablissement du patient. Cette nouvelle fut accueillie avec une vive satisfaction par toutes les personnes présentes, excepté toutefois par l’assassin, qui était couché dans un coin, et garrotté à l’aide de cordes. Le misérable exhala son désappointement par un horrible blasphème, et sa voix attira l’attention de Harley, qui pria Bussière d’examiner ses blessures.

« Vous ferez mieux de me laisser mourir, s’écria Guiscard : car, si je vis, je ferai des révélations qui détruiront à jamais votre crédit.

— Infâme délateur ! s’écria Saint-John, poussé à bout ; comme il est bien évident que vous êtes guidé par des motifs de vengeance, rien de ce que vous pourriez dire ne fera impression sur nous.

— N’êtes-vous pas aussi coupable que sir Harley, vous, Saint-John ? poursuivit Guiscard. Je vous démasquerai l’un et l’autre comme traîtres à votre pays et à votre reine, et je vous somme de faire écrire ce que je dis, afin que je puisse signer mes déclarations avant de mourir.

— Ce serait prendre une peine inutile, répliqua le duc d’Ormond : qui pourrait ajouter foi au témoignage d’un assassin ?

— Vous êtes tous ligués ensemble, hurla Guiscard ; si vous