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ABIGAÏL.

étendu sur le carreau, celui-ci dit au duc d’Ormond qui se tenait non loin de lui :

« Sir Harley est-il mort ? j’ai cru l’entendre tomber.

— Non, scélérat, il vivra, ne fùt-ce que pour décevoir vos espérances de vengeance, » répondit le duc.

En entendant ces mots, Guiscard ne put contenir sa rage impuissante, et grinça des dents.

« Je supplie Votre Grâce de me tuer sur le coup ! murmura-t-il.

— Oh ! c’est l’affaire du bourreau et non la mienne, » répliqua le duc en s’éloignant avec dégoût.

Rien ne peut se comparer au calme et à la dignité dont sir Harley fit preuve dans cette circonstance. Ne sachant pas si la blessure qu’il avait reçue était mortelle, il appliqua son mouchoir sur la plaie pour arrêter le sang, et altendit patiemment l’arrivée d’un chirurgien, en causant tranquillement avec ses amis, qui l’entouraient et lui exprimaient la sollicitude la plus vive et la plus sympathique.

Il avait lieu d’être content, en effet, quoique, alors, il ne pût encore savoir pourquoi. Ce coup de canif donna à sir Harley la place de lord trésorier et le titre de comte d’Oxford.


XI


Sir Harley atteint le rang convoité par son ambition. Mort du marquis de Guiscard.


Un quart d’heure après cet événement, M. Bussière, célèbre chirurgien qui demeurait pres de Saint-James’-Park, arriva, et, tandis qu’il examinait la blessure, la lame du canif glissa de l’intérieur du gilet et lui tomba dans la main.

Sir Harley s’en empara, et fit, en souriant, la remarque que cette lame lui appartenait et qu’il priait qu’on conservât aussi le manche du canif ; il demanda ensuite à l’homme de l’art s’il craignait que sa blessure ne fût mortelle.

« Si vous pensez cela, dit-il, ne me cachez point vos craintes ;