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ABIGAÏL.

— Comment le pourrais-je avec des preuves aussi évidentes que celles que j’ai sous les yeux ? s’écria celui-ci en désignant les lettres. Laissez-moi, monsieur, laissez-moi.

— Rien ne peut donc vous émouvoir ? » répéta Guiscard. Sir Harley branla la tête.

« Eh bien, meurs ! traître cent fois plus infâme que moi ! » vociféra Guiscard.

Et, tirant vivement de sa manche le canif qu’il y tenait caché, il le plongea dans la poitrine de sir Harley ; la lame, ayant rencontré l’os, se cassa net tout près du manche, mais Guiscard ne s’en aperçut pas, et il donna à sa victime un second coup beaucoup plus violent que le premier, en s’écriant : « Je te frappe au cœur, monstre de perfidie ! »

La promptitude de l’attaque paralysa un instant les spectateurs ; mais bientôt, revenus de leur surprise, ils accoururent au secours de Harley. Saint-John fondit le premier sur l’assassin, et lui passa deux fois son épée au travers du corps.

Guiscard reçut aussi plusieurs blessures de la main du duc de Newcastle, qui, se trouvant du côté opposé, avait sauté sur la table pour être plus rapproché du lieu de la scène ; lord Dartmouth le frappa aussi, mais il ne tomba pourtant pas. Quelquesuns des membres du conseil, qui se trouvaient les plus rapprochés de Guiscard, furent si alarmés de la férocité de sa physionomie, que, craignant qu’il ne tournât sa rage contre eux, ils se firent un rempart avec des chaises, tandis que les autres criaient au secours.

Pendant ce temps-là, lord Poulet suppliait à haute voix Saint-John et Newcastle de ne pas tuer l’assassin ; car il était fort important, dans l’intérêt de la justice, que sa vie fût épargnée.

Au milieu de ce tumulte, les agents de police et les gardiens des portes se précipitèrent dans l’appartement et se jetèrent sur Guiscard, qui, tout blessé qu’il était, se défendit avec une incroyable vigueur. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’on pit réussir à le maîtriser. Il reçut plus d’une contusion pendant cette lutte, et entre autres un coup si violent dans le dos, que plus tard cette blessure fut cause de sa mort.

Tandis que les agents étaient occupés à garrotter Guiscard,