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ABIGAÏL.

« J’ai connu jadis une personne ainsi nommée, répondit-il, mais j’ai cessé tous rapports avec elle depuis longues années.

— Vous mentez ! riposta Harley en exhibant le paquet ; voici des lettres que vous lui écrivez, et par lesquelles vous faites au gouvernement français des propositions infernales. »

À la vue de ce paquet, un terrible changement s’opéra sur les traits de Guiscard ; ses membres tremblaient, et la sueur lui découla du front.

« Il est inutile de mentir plus longtemps, malheureux ! s’écria sir Harley. Je vous exhorte, au contraire, à essayer de pallier votre crime par une confession pleine et entière.

— Je ferai ma confession, monsieur Harley, riposta Guiscard, et peut-être sera-t-elle plus complète que vous ne le désirerez. Mais, d’abord, je souhaite dire un mot en particulier à M. Saint-John.

— Il m’est impossible de consentir à votre demande, observa celui-ci. Vous paraissez devant ce conseil accusé de crimes : ce que vous avez à dire doit être entendu de tous.

— Ce que j’ai à dire est important pour le bien de l’État, fit Guiscard en insistant, mais je ne le dirai qu’à vous ; vous ferez ensuite de moi ce que vous voudrez.

— Votre requête est inusitée, et je dois la rejeter, dit froidement Saint-John.

— Vous vous repentirez, monsieur Saint-John, de n’avoir point cédé à mes désirs, ajouta Guiscard.

— Cette persistance est intolérable, s’écria le secrétaire d’État en se levant pour aller donner des ordres à un des sous-secrétaires, afin que les agents examinassent le prisonnier.

— Un instant ! un seul instant ! fit Guiscard en s’approchant de sir Harley, qui venait de s’asseoir à la place qu’avait quittée Saint-John ; vous intercéderez auprès de Sa Majesté pour que j’aie la vie sauve, n’est-ce pas, monsieur Harley ? Vous avez été mon ami !

— Je ne puis vous donner aucun espoir, répondit sévèrement sir Harley ; la sûreté de l’État exige que des crimes aussi abominables que le vôtre ne demeurent pas impunis.

— Où sont les agents ? demanda Saint-John d’un ton d’impatience.

— Ne direz-vous rien pour me disculper, monsieur Harley ? dit Guiscard qui se rapprocha du ministre.