duisit le prisonnier, qui était pâle comme la mort, quoique son maintien fût sérieux et calme. Il lança à Saint-Jobhn et à Harley des regards hautains et menaçants.
« Je suis affligé et surpris à la fois de vous voir ici, marquis, lui dit Harley.
— Vous pouvez être affligé, je le comprends, mais vous ne devez guère vous montrer surpris, répondit Guiscard.
— Et comment cela ? demanda aigrement l’autre. Oseriez-vous insinuer que… ?
— Je n’insinue rien, interrompit Guiscard ; continuez votre interrogatoire.
— Prisonnier, dit Saint-John, vous comparaissez ici sous le poids d’une accusation de haute trahison et de lèse-majesté au premier chef.
— Qui m’accuse ? fit Guiscard d’un ton d’impatience.
— N’importe, répondit le secrétaire d’État ; vous êtes accusé d’entretenir une correspondance dangereuse avec la cour de France. Qu’avez-vous à répondre ?
— Je nie le fait ! répliqua hardiment Guiscard.
— La seconde accusation, prisonnier, est celle de préméditer un des crimes les plus horribles, poursuivit Saint-John. Vous êtes accusé d’avoir songé à ôter la vie à notre maltresse souveraine Sa Majesté la reine, à laquelle, quoique étranger, vous êtes attaché par les liens les plus grands de la reconnaissance, surtout à cause des notables faveurs qu’elle a daigné vous accorder.
— Me préserve le ciel de nourrir de si coupables pensées envers la reine ! s’écria le marquis avec énergie. Je serais en vérité, dans ce cas, un monstre d’ingratitude. »
À cette assertion si positive, un murmure d’indignation se fit entendre parmi tous ceux qui étaient présents.
« Je connais le misérable qui m’a ainsi calomnié, ajouta Guiscard ; c’est un infâme valet que j’ai renvoyé, un misérable sans mœurs et sans probité, qui a composé cette fable afin d’extorquer une récompense à M. Harley.
— Je désirerais savoir, prisonnier, poursuivit Saint-John, si vous connaissez un banquier de Paris, nommé Moreau : et si vous avez eu, depuis peu, quelques communications avec lui ? »
En entendant prononcer ce nom, Guiscard frissonna malgré lui.