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ABIGAÏL.

nouveau parlement les détrompa, car elle était la preuve d’une grande préférence pour les tories.

Les whigs avaient été partout humiliés et battus. On leur reprochait à tous propos la récente mise en accusation dont ils avaient été l’objet. Ceux qui avaient voté en leur faveur étaient chaque jour en butte à des insultes et à des menaces de la part de la populace, et le nom du docteur Sacheverell était le mot de ralliement de leurs adversaires. Comme on le voit, le nouveau parlement éloignait, pour le moment du moins, tout danger du ministère tory.

On compléta, avant les élections, toutes les nominations ministérielles. Saint-John fut nommé secrétaire d’État ; le duc d’Ormond, lord lieutenant d’Irlande ; le comte de Rochester, président du conseil, et le duc de Buckingham, grand maître de la maison de la reine. On s’occupa même d’autres motions inutiles à rapporter.

Le cabinet une fois composé de la sorte commença ses opérations ; et, soutenu comme il l’était par la reine, il présentait de raisonnables garanties de durée. Ses actes furent d’abord empreints d’énergie et d’ensemble, et l’opposition hautaine et peu scrupuleuse qu’il rencontra ne fit qu’ajouter à sa force.

Bientôt cependant on vit s’élever des jalousies et des dissensions entre les nouveaux venus, et le parti tombé conçut l’espoir que la combinaison qui lui avait été si fatale serait promptement désorganisée.

Sir Harley n’avait pourtant pas encore atteint le but de son ambition, et, à cette heure, au moment où il n’avait plus qu’à étendre la main pour saisir ce qu’il convoitait, le bâton de trésorier, deux rivaux se présentèrent, qui menaçaient de le lui enlever. Ces rivaux étaient le comte de Rochester et Saint-John. Il existait entre sir Harley et Rochester une vieille inimitié, qui, tout en étant apaisée pendant quelque temps, s’était depuis peu ravivée dans toute son amertume originelle. Rochester se croyant en droit, eu égard à sa longue expérience, à son attachement éprouvé pour l’Église, et à sa parenté avec la reine {il était son oncle maternel), de prétendre au poste le plus éminent du gouvernement, avoua hautement ses prétentions, et Anne était trop indécise et trop timide pour lui répondre par un refus formel.

D’autre part, Saint-John, fort de ses talents supérieurs, et